mardi 1 août 2017

Le scandale des 400 000 euros

« On a un problème à l’EPIC ». C’est avec cette étonnante phrase que le maire a débuté ses explications pour le 13ème point à l’ordre du jour du conseil municipal du 6 juillet. Nous nous doutions que quelque chose clochait dans cette structure chargée du tourisme, surtout depuis que nous avions reçu la convocation pour cette réunion. En effet, dans ce document, il était indiqué : « M. le maire propose une subvention exceptionnelle à l’EPIC « les Contamines Tourisme » d’un montant de 400 000 euros ». Et bien sûr sans aucune explication complémentaire.




Pour mémoire, la subvention de 2017, votée en début d’année s’élève à 1 500 000 euros. Et 6 mois plus tard, la commune doit remettre la main à la poche et ajouter plus du quart de cette somme. On nous explique depuis 3 ans qu’il faut sans cesse faire des économies : nous étions curieux de savoir ce qui pouvait nécessiter une telle subvention supplémentaire.

Le maire s’est lancé dans des explications laborieuses que nous tenterons ici de rendre le plus clair possible. Ainsi il a expliqué qu’en 2015 et 2016, l’EPIC aurait suivi les consignes du régisseur du Trésor Public de Saint-Gervais concernant la TVA à appliquer sur ses factures. Ainsi les comptes ont été effectués en hors taxe. L’an dernier, Mme Lambert, des services fiscaux, est venue effectuer un contrôle sur la TVA appliquée par l’EPIC. Elle aurait déclaré en arrivant ne pas connaitre ce type de structure et aurait ajouté « qu’elle ne savait pas quel régime de TVA était applicable ».




Le premier magistrat de notre commune a ajouté que récemment, le rapport définitif des services fiscaux était arrivé en mairie et sa conclusion est claire : l’EPIC aurait dû prévoir son budget en TTC. Son crédit de TVA est donc annulé et 215 000 euros doivent être remboursés. A cela s’ajoute une série de taxes sur salaires, impôts sur les sociétés,… L’addition finale atteint 390 000 euros. D’où les 400 000 euros que doit trouver la commune pour que l’EPIC puisse s’acquitter de ce redressement fiscal.

Face à nos questions pour mieux comprendre cette situation, le maire n’a pas manqué de préciser avoir été très surpris de ce redressement fiscal étant donné que le Trésor Public avait validé pendant des années les comptes de l’EPIC, n’hésitant pas à mettre en cause la compétence professionnelle de ces personnes et notamment de la contrôleuse qui « ne savait rien ». Le DGS a conclu cet exposé en ajoutant qu’ « il y a un vrai problème dans la qualité du travail du Trésor Public ». 




Nous sommes loin d’être des experts en comptabilité mais de nombreuses questions se posent suite à ces explications. Comment une personne chargée d’effectuer un contrôle fiscal « spécial TVA » peut avoir si peu de connaissances sur les spécificités d’un EPIC ? Ce type de structure est assez commun pour la gestion des Offices de Tourisme. Cette question de TVA a dû se poser dans chacun d’eux, et sans doute a été résolue sans aboutir à des redressements fiscaux. Si de mauvaises informations ont été données par les services fiscaux, le paiement de ces arriérés ne peut-il pas être négocié ou au moins étalé dans le temps ?  Mais nous n’avons ici que la version du maire, nous n’avons pas celle du Trésor Public. Malgré notre statut d’élus, aucune information ne peut nous être communiquée par les services fiscaux.

Nous avons fait remarquer que le directeur de l’EPIC, Christophe Gernigon avait travaillé précédemment dans plusieurs offices de Tourisme dont certains étaient des EPIC. Dans le passé, il a forcément été confronté à la problématique de la déclaration de la TVA. Avant d’arriver aux Contamines, il était le directeur d’un EPIC à Méribel.  Mais lors de ce conseil municipal il était bien-sûr absent. N’était-il pas le plus à même d’expliquer cet imbroglio avec les services fiscaux ? Le maire n’a pas répondu à cette remarque, il a juste ajouté « le Trésor Public a validé ce qui a été fait ».




Lydie lui a alors demandé s’il était satisfait de la gestion de l’EPIC par Christophe Gernigon. Comme il venait de passer en revue toutes les erreurs des services fiscaux, décrits comme responsables de ce redressement fiscal, nous nous attendions qu’il fasse des éloges de son directeur. Mais il n’a pas répondu, ni positivement, ni négativement, ajoutant seulement que c’était au Comité de Direction de l’EPIC de répondre à cette question.

Pour financer cette subvention exceptionnelle, la commune est maintenant obligée de revoir ses prévisions de dépenses. Il faut déshabiller Pierre pour habiller Paul.   Et trouver 400 000 euros n’est pas une mince affaire. 150 000 euros vont être pris dans le budget de fonctionnement et 250 000 euros dans la partie d’investissement. Aucune précision n’a été donnée sur la liste des dépenses prévues qui vont passer à la trappe. La réparation du toit du presbytère ? La création des pistes de fond d’été ? Nous n’avons pas compris pourquoi l’EPIC n’a pu trouver dans son budget de quoi payer une part de ce redressement fiscal. Les 1 500 000 euros seraient-ils déjà  dépensés… Et il faut croire que tous les autres recours ont été épuisés (ligne de trésorerie, emprunt,…)




Dans les jours qui ont suivi ce conseil municipal, les faits sont venus remettre en cause toutes les explications données par le maire sur cette subvention exceptionnelle. Une rumeur a traversé le village aussi vite qu’un éclair un soir d’orage. Certains disaient « Gernigon a été viré », d’autres ajoutaient « Mais non, il a été mis à pied pour 4 mois ». Ces informations devaient contenir une part de vérité puisque le Directeur de l’Office de Tourisme avait disparu de la circulation, même lors des manifestations organisées par l’OT. Ce qui n’était d'ailleurs pas plus inquiétant que cela, puisque le directeur de l’EPIC prenait des vacances à Noël et à Nouvel An…. Mais nous n’épiloguerons pas sur ces absences surprenantes quand le sujet est autrement plus important.  Nous avons interrogé des membres du Comité de Direction de l’EPIC, ils n’avaient aucune information à ce sujet. 

Il a fallu attendre ce 25 juillet pour avoir un éclaircissement. Dans un flash info de Radio Mont Blanc, nous avons entendu « Le Directeur de l’Office de Tourisme des Contamines-Montjoie Christophe Gernigon a été suspendu de ses fonctions après la découverte d’un redressement fiscal de 400 000 euros. C’est une directrice par intérim qui le remplace provisoirement. » Voilà comment les élus des Contamines-Montjoie apprennent les décisions prises en mairie !!! 




Ainsi le directeur de l’Office de Tourisme a été suspendu de ses fonctions. Mais pourquoi, puisque le maire a longuement expliqué que c’est à cause de l’incompétence du Trésor Public que la commune doit payer 400 000 euros ? Pourquoi cette procédure disciplinaire si tout est de la faute des Services Fiscaux ? Faut-il en déduire que le maire nous a raconté n’importe quoi lors de la séance du conseil municipal, et que Christophe Gernigon est effectivement responsable de ce redressement fiscal ?

De plus, n’est-ce pas au Comité de Direction de l’EPIC de prendre la décision de suspendre le directeur de ses fonctions ? Mais aucune réunion n’a été convoquée pour statuer sur l’avenir du Christophe Gernigon. Le maire a donc pris cette décision seul sans aucun vote du Comité de Direction et sans même en avertir ses membres. Un peu cavalier, non ? 




Et que veut précisément dire « suspendu de ses fonctions ? » Combien de temps cela va-t-il durer ? Reviendra-t-il, dans quelques semaines, occuper son poste comme si de rien n’était après avoir profité de vacances en plein été ? Ou est-ce une première étape avant un départ définitif ? En tous cas, cette suspension au tout début de la saison d’été est préjudiciable pour le fonctionnement de l’Office de Tourisme et la préparation de la saison hivernale ? Christophe Gernigon est remplacé temporairement par Annick Roger, qui était précédemment directrice adjointe et qui est par ailleurs la compagne du DGS. Il n’est pas certain que ce mélange des genres soit bien autorisé 

Ce départ temporaire ou définitif du directeur de l’EPIC pose de nombreuses questions. Il est très difficile de comprendre comment cette structure peut se retrouver avec un déficit de 400 000 euros à combler après 2 ans d’existence seulement. D’autant plus que les explications données par le maire sont, à la vue de la sanction imposée à son directeur, loin d’être complètes. D’autres erreurs de gestion semblent bien avoir été commises. Et leur responsabilité ne peut pas peser uniquement sur le directeur de l’EPIC. Cela semble bien arranger tout le monde de le désigner comme le seul à l’origine du déficit dans les comptes. 


Extrait des statuts de l'EPIC sur la responsabilité du Président


Les membres de ce Comité de Direction et d’autant plus les élus qui y siègent, garants de l’intégrité de la commune, auraient dû lire et étudier ces comptes. Quand on voit l’implication de ces mêmes personnes lors des votes des délibérations pendant les réunions du conseil municipal, on peut imaginer qu’ils n’ont manifesté aucun intérêt à ce qui leur était présenté. Ils ont dû voter les budgets de l’EPIC, apparemment sans sourciller et suivre comme d’habitude ce que le maire et Christophe Gernigon leur disaient sans chercher plus loin. Pourtant leur rôle est de demander constamment des explications et des justifications de telle ou telle dépense d’autant plus qu’ils ont accès aux documents comptables. Et dans le Comité de Direction, le Président, en l’occurrence le maire, a un rôle essentiel de surveillance du travail du directeur, il n’est pas là juste pour participer aux diverses réceptions organisées au fil de l’année. D'autant plus quand le directeur arrive avec des antécédents inquiétants.




Christophe Gernigon a été durant deux ans directeur de l’EPIC de Méribel qu’il a quitté précipitamment en laissant une facture de 500 000 euros à régler. Il a été licencié suite à la découverte de dépassements multiples qui ont dû être absorbés par la commune savoyarde. Il suffit de lire le compte-rendu du conseil municipal de Méribel de 18 décembre 2014 pour avoir toutes les précisions (page 7 et suivantes)
 http://www.mairiedesallues.fr/fr/la_mairie/conseil_municipal_les_elus/les_comptes_rendus


Extrait du compte rendu du CM de Méribel du 18/12/2014


C’est assez ressemblant à ce qui se passe aujourd’hui dans notre commune. Le maire des Contamines ne pouvait ignorer ce passif au moment d’engager Christophe Gernigon. Il ne peut en aucun cas rejeter sa responsabilité sur qui que ce soit : c’est lui qui a exigé l’embauche de cette personne dont les fautes précédentes étaient de notoriété publique. Le maire n’a rien voulu entendre des mises en garde qui lui ont été adressées à l’époque.  Et avec les conseillers qui siègent à l’EPIC, il aurait dû redoubler d’attention pour ne pas arriver à la même situation qu’à Méribel. Dans cette commune, il aura fallu trois ans pour redresser la situation financière après la gestion désastreuse de leur directeur d’EPIC. 




Depuis 2 ans, nous avons à plusieurs reprises demandé à avoir accès aux comptes de l’EPIC notamment au moment du vote de la subvention annuelle. Mais cela était impossible, le conseil municipal devait signer un chèque en blanc, les yeux fermés dans une totale confiance dans l’action du directeur couvert par le maire qui est le président de cette entité. Nous n’avons jamais pu obtenir d’informations sur le coût réel des événements, sur les recettes des équipements sportifs, sur l’évolution du chiffre d’affaire de la centrale de réservation,…. « Mais tout va bien » nous disait-on. On voit aujourd’hui le résultat. Et nous espérons ne pas découvrir d’autres créanciers demain.


Le 19 janvier 2017, nous avions demandé à consulter les comptes de l'EPIC. Après de nombreux échanges, tractations, reports de la part de Christophe Gernigon, celui-ci nous a finalement reçus le 24 mars pour nous fournir des copies de documents comptables. Aucune page numérotée, les dates inexistantes et souvent même les chiffres retirés, comme par hasard les notes de frais entre autres choses… Il s’agissait d’après le directeur de copies de mandats…. Nous n’avons pas vu les prélèvements de l’URSSAF, et pour cause…. Mais d’après lui, c’était normal. Aujourd'hui, notre demande est devant la CADA (Commission d’Accès aux Documents Administratifs), en attente d’être instruite.




Maintenant, nous sommes face aux mêmes problèmes que la station de Méribel. On voit bien que les élus de la majorité qui se posent en grand donneurs de leçons depuis des années n’ont pas rempli leur mission. Ils ont enchaîné les inaugurations, les réceptions diverses et les déplacements sur des salons à l’étranger mais n’ont pas tenu leur rôle. A cause d’un manque de rigueur, d'un certain laisser-aller, de dépenses sans doute excessives, de mauvaises décisions, nous devons sacrifier des investissements et nous serrer la ceinture pour combler ce déficit. Vraiment, les Contamines n’avaient pas besoin de ça. Pour une fois, nous sommes totalement en accord avec le maire : on a un problème avec l’EPIC, … un très GROS problème !!!   

Rendez-vous le 15 août pour de nouvelles infos.
Lydie Roch-Dupland et David Mermoud

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