mercredi 1 mai 2019

Patrimoine communal sacrifié

Tous les ans, un conseil municipal est convoqué dans les premiers jours du mois d’avril. En effet, le budget communal doit être obligatoirement voté avant le 15 avril. Cette année, les conseillers se sont réunis le 9 avril. Bien entendu, nous reviendrons en détail dans de prochains articles sur les dépenses et les recettes envisagés pour 2019. Nous avons préféré nous consacrer ce 1er mai à l'une des délibérations à l’ordre du jour de ce mardi soir.

Le patrimoine de la commune des Contamines, propriété de tous, est riche de forêts, de terrains agricoles, de bâtiments publics, d’édifices religieux, d’équipements sportifs, … et de quelques terrains constructibles. Ces biens ont été acquis au fil des années par les différentes municipalités pour transmettre aux futures générations un capital leur permettant d’affronter les éventuelles difficultés. Dans le passé, dans une gestion en bon père de famille, les diverses équipes municipales ont su préserver cette richesse et c’est en de très rares occasions qu’elles se sont résignées à se séparer de ces précieux biens. 




Depuis 2014, la stratégie du maire et de ses conseillers a été tout autre. Ceux-ci ont eu comme leitmotiv la réduction de la dette de la commune. Pour cela, ils ont opté pour une méthode simple et claire : l’étalement d’une partie de la dette sur plusieurs années, l’annulation des travaux et des projets ne pouvant pas être subventionnés et la vente de plusieurs biens communaux. Concernant la dette, celle-ci est toujours aussi importante hormis l’aide de l’état qui a sorti plusieurs communes du surendettement suite au choix de l’emprunt toxique. Cet emprunt avait été souscrit pour payer, on se le rappelle, les travaux de l’école. 




Pour le choix des projets, les élus préfèrent par exemple lancer celui de la maison du tour du Mont-Blanc pour lequel des subventions peuvent être obtenues auprès de divers organismes plutôt que de refaire les routes. Mais quand on constate que pour ce projet qui coûtera près de 2 millions d’euros, la commune devra en financer plus d’un quart, on peut estimer que ces 500 000 euros pourraient être utilisés plus utilement pour entretenir le territoire des Contamines et faciliter la vie de ses habitants. Énormément de biens ont été laissés à l’abandon durant ce mandat, et voir cette somme énorme investie dans un projet qui ne sera pas pérenne laisse à réfléchir… En effet, le bâtiment qui va être restauré à grand frais avec l’argent des impôts de chacun reste la propriété d’EDF et retournera dans le patrimoine de cette société dans 37 ans.

Quant aux routes, le maire et ses conseillers ont même choisi de ne pas sécuriser avec le marquage au sol, la portion de la départementale RD 902 dont les travaux sont terminés depuis deux ans devant le cimetière  (travaux financés par le Département). Pourtant les communes sont tenues de mettre en place les signalisations sur les routes départementales pour les sections entre les panneaux d’entrée et de sortie de la commune. Avec cette équipe, on parle de sécurité mais pas pour tous…




Comme l’emprunt est proscrit depuis 2014, la seule solution pour arriver à faire fonctionner la commune a été de vendre au fil des années, divers biens. Parmi ceux-là, on peut citer le camping en début de mandat et tous les terrains du centre pour le projet immobilier en attente de démarrage. A ceux-ci viennent maintenant s’ajouter les terrains du Plane, au-dessus du cimetière. Si toutes ces ventes se concrétisent d’ici le printemps prochain, le patrimoine contaminard aura considérablement fondu pendant ce mandat. Jamais auparavant, autant de biens communaux n’auront été sacrifiés si rapidement. 

Au cours de sa prochaine campagne électorale, le maire mettra en avant le fait d’avoir diminué l’endettement de la commune. Mais cela est au prix d’une perte de près de 5 millions dans le capital foncier des Contamines. C’est un choix de gestion : vendre ses biens ou emprunter ? Cette question peut faire débat mais on peut penser qu’un mélange des 2 aurait pu être la meilleure option, surtout avec les taux d’intérêt actuels extrêmement bas. Mais l’équipe municipale a choisi de vendre, toujours et encore vendre les biens communs des contaminards pour financer ses projets. Certes les prochaines générations n’auront pas plus de dettes à rembourser, mais elles n’auront plus de roue de secours en cas de grave problème.




Ainsi les terrains du Grand Plane seront vendus dans les prochains mois à un promoteur immobilier pour réaliser de nouveaux bâtiments. Un nouvel hameau va voir le jour, puisque 80 logements sont annoncés sur les 3 parcelles situées au-dessus du cimetière. Sur le terrain entre le mur du cimetière et la route, s’élèveront 3 immeubles avec 33 appartements en location (type HLM). A l’intérieur du grand virage, des immeubles et des maisons isolées sont annoncés pour de l’accession sociale à la propriété (30 logements). Enfin, tout en haut, sur le terrain au-dessus des résidentes existantes, 2 ou 3 immeubles seront construits pour de l’accession libre (18 appartements).




Avec le PLU de nombreux propriétaires ont vu leurs terrains devenir inconstructibles parce qu’il fallait répondre à l’exigence étatique de la diminution des parcelles constructibles, afin de densifier les zones déjà habitées. Mais la mairie, elle, n’a pas montré l’exemple, puisqu’elle a gardé constructible ses terrains afin de les brader. Exit les espaces verts, les passages de gibiers…. De nombreux chevreuils viennent paître sur ces parcelles, il faut qu’ils en profitent vite. La mairie poursuit sa politique du « faites ce que je dis et pas ce que je fais » et impose aux forceps ce hameau.

Ce projet est bien entendu mis en avant par l’équipe municipale qui a rapidement publié une newsletter pour vanter ces futures réalisations. « 81 nouveaux logements abordables pour accueillir de jeunes ménages ». Le slogan est là pour séduire les plus crédules. Mais comme d’habitude, en examinant le projet, tout n’est pas aussi merveilleux que le laisse entendre le maire. 81 logements à prix abordables sont annoncés. On peut déjà réduire ce chiffre à 63 puisque que 18 sont en accession libre. Quelle différence y a-t-il entre accession libre et accession aidée ? A la différence de l’accession aidée, l’accession libre permet à tous les particuliers de devenir propriétaires, sans conditions de ressources et de prix de vente, que cela soit pour y vivre ou pour investir, en résidence principale, ou pour le louer à la semaine ou pour y passer 2 ou 3 vacances par an. En fait, cela correspond à l’immobilier classique que nous connaissons bien aux Contamines et qui abouti le plus souvent à des lits froids et des volets fermés tout au long de l’année. On peut donc affirmer qu’une parcelle du patrimoine contaminard est sacrifiée pour construire 18 appartements qui vont rester fermés. Comme si on n’en avait pas assez!!! Sans doute est-ce une exigence du promoteur immobilier : celui-ci pourra vendre au prix fort quelques appartements en contre partie des locations ou des ventes à prix réduit sur les 2 autres parcelles.




L’arrivée de jeunes ménages est ainsi annoncée, censée redonner un second souffle au village, remplir le groupe scolaire et maintenir les activités commerciales. Cela n’est-il pas un peu optimiste ? Premièrement, il n’est pas certain que les futurs habitants de ces logements soient forcément de jeunes ménages de 25 à 45 ans comme indiqué dans la newsletter. Il serait étonnant que l’âge puisse être un critère de choix des futurs bénéficiaires. Vous avez plus de 45 ans, vous n’avez pas 3 enfants pour remplir le groupe scolaire, allez habiter ailleurs !!! Ces règles n’existent nulle part. Les seules qui existent sont liées uniquement au plafond de ressources et aux revenus. Et les personnes prioritaires sont uniquement celles avec un handicap ou reprenant une activité après une longue période de chômage ou victimes de violence, … Faire croire que ces logements seront réservés aux jeunes ménages contaminards avec enfants, cela s’appelle de la démagogie.




De plus, si l'on veut que la démographie du village augmente, il faut certes que des logements soient disponibles, mais surtout que les personnes puissent travailler dans le village ou à proximité. Si les personnes qui habitent ces logements travaillent à Sallanches, feront-elles vivre l’activité commerciale locale ? Et combien seront prêtes à faire 20, 30 ou 40 km par jour pour aller travailler ? D’éventuels jeunes ménages ne travaillant pas dans le Val-Montjoie feront-ils le choix de venir s’installer au Grand Plane ? S’il est vrai que la question du logement est un problème aux Contamines, celui du travail assuré toute l’année est bien réel. Combien de jeunes couples décideront d’acquérir un appartement même avec un dispositif d’aides s’ils ont des doutes sur leur avenir professionnel. Et quelle banque suivra ces investisseurs potentiels en quête de travail ?




Plusieurs bâtiments de logements sociaux ont été construits dans le passé. Le prix des locations et les charges sont relativement élevés. Les changements de locataires sont fréquents et si les appartements restent vides peu de temps, la demande n’est pas très élevée. Les 33 appartements en locations seront-ils rapidement remplis ? En restant dans l’idée première de l’équipe municipale, il nous aurait paru préférable d’opter pour une autre solution : vendre une seule parcelle pour de l’accession sociale à la propriété avec quelques appartements en location et garder les 2 autres parcelles pour d’autres projets dans quelques années. Pourquoi pas dans la même optique si la demande se révèle importante mais en ayant toujours la possibilité d’utiliser ces terrains pour des projets différents (hôtel, résidence de tourisme, équipement communal ou touristique, …). 




De plus d’autres initiatives auraient pu être étudiées pour favoriser la création de logements à l’année, et ce, sur l’ensemble du village. On aurait pu imaginer des aides de la commune pour la création de nouveaux appartements ou habitations loués à l’année, des conditions spéciales pour la vente de terrains à prix réduit, ou mettre à la disposition des ayant droit les appartements communaux occupés actuellement à titre gracieux par des cadres de la commune. 

Pourquoi vouloir créer un nouvel hameau en concentrant les logements sociaux et leurs futurs nouveaux habitants qui seront ainsi séparés des autres hameaux ? Comment conserver et transmettre l’esprit de village et les relations fortes entre les habitants qui font la spécificité des Contamines ? Ce lieu deviendra rapidement une entité à part, surtout si les matériaux utilisés sont de qualité médiocre comme souvent dans ce genre de programme. On le sait le mélange générationnel, culturel et social est primordial pour une osmose de vie en société. Séparer ces entités revient à créer des catégories avec tous les risques que cela entraîne. Il n’y a pas besoin d’avoir fait de grandes études en sociologie pour prendre la mesure de l’enjeu actuel. Evidemment, on n’est pas en train de crier au loup, mais cette idée de nouvel hameau est une aberration en soi et met en lumière, encore une fois, l’absence de réflexion profonde de cette équipe municipale dont le seul argument est : « on n’a pas fait d’emprunt ». Peu importe les conséquences, les risques encourus, ils n’ont pas fait d’emprunt…..




Dans ce dossier, 2 autres points ont attiré notre attention. Selon le PLU transformé en 2017, une part des logements créés sur ces parcelles devait être réservée aux travailleurs saisonniers. Mais ceux-ci apparaissent comme les grands oubliés de ce projet qui ne répond en aucune façon à ce problème récurrent. 




Enfin, nous avons eu très peu d’information sur le processus de choix du futur acquéreur de ces parcelles. Quatre candidats étaient en lice, chacun proposant un projet d’aménagement et un prix d’achat. Seules les montants nous ont été communiquées. Nous en déduisons que cela a été le seul critère de choix, d’autant plus que c’est le plus offrant qui a remporté le marché. Comme par hasard,…

Mais les différences d’offres sont difficilement compréhensibles. Le premier proposait un bail emphytéotique de 52 ans à 1 euro symbolique. Le second, 850 000 euros pour les 3 terrains. Le troisième candidat était plus généreux car son offre montait à 1 000 000 d’euros. Quant au dernier, sa proposition a explosé les records : 2 000 0000 d’euros pour ces mêmes terrains. Qu’est-ce qui justifie de telles disparité de propositions ? Comment peut-on passer de 1 euro à 2 millions pour un même projet d’aménagement. Nous n’avons toujours pas compris comment on peut aboutir à de telles différences.


Intrigués, nous avons cherché à nous renseigner sur ce généreux promoteur immobilier. Le résultat de notre recherche n’a fait qu’accroitre nos questions. Sur internet, on ne trouve quasiment aucune information sur cette société GENEOM : aucun site internet présentant les précédentes réalisations, les membres de la société, un contact, un numéro de téléphone, …. Rien. Les seules informations qui apparaissent sont que cette société est basée à Lyon, qu’elle a été créée en janvier 2017 et que son activité est la promotion immobilière de logement. Aucune photo de création, aucun projet n’apparait, seulement quelques montages de sociétés…




En 2016, sur le projet du centre, le lauréat avait annoncé sur son site internet avoir remporté le marché avant que la décision soit prise officiellement. Cette fois ci, on ne trouve aucune information sur le lauréat. Ça change mais ce n’est pas plus rassurant… 



Rendez-vous le 15 mai pour de nouvelles infos.

Lydie Roch-Dupland et David Mermoud




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