Le Père Noël n’est pas passé …

Chaque année, au début du mois de Décembre, les personnes de «  65 ans et plus » de notre village sont conviées au traditionnel repas de Noël organisé par la commune. C’est l’occasion pour tous de se retrouver autour d’un bon repas et de passer un agréable après-midi de danse, de musique en toute convivialité et dans la bonne humeur. Le dévouement des bénévoles, leur implication, leur travail et leur empathie envers les anciens permettent la réussite de cette journée.

Mais les invités ne répondent pas tous présents. Aussi, dans le passé, il avait été décidé d’offrir un petit colis aux personnes de plus de 75 ans qui ne venaient pas à ce repas,  cela pouvait être une boite de chocolat, une fleur, un livre,... Ainsi à cette période des fêtes de fin d’années, elles recevaient un témoignage de sympathie de l’ensemble de la communauté. Mais en ce mois de décembre 2014, la plupart d’entre elles ont dû attendre longtemps ce cadeau et finalement se résoudre à la conclusion que le Père Noël de la commune ne passerait pas cette année.

Des personnes qui s’étonnaient de ce changement nous ont interrogés, et nous avons alors découvert la décision qui avait été prise par la nouvelle municipalité : seules les invités qui ne pouvaient pas venir à ce repas pour des raisons de santé avaient le droit de recevoir le cadeau de Noël de la commune.

Nous connaissons tous des personnes de plus de 75 ans, certaines semblent en parfaite santé, « jeunes et fringantes », tout à fait autonomes alors que d’autres ont l’air fatiguées, fragiles ou souffrant de problèmes de santé. Mais que savons-nous réellement de la santé de ces personnes ? Comment juger si une personne est apte ou non à se déplacer et à venir passer plusieurs heures dans la grande salle de l’espace animation.  Cette distinction n’a jamais été faite dans le passé, car jugée hors des compétences d’un conseil municipal. Chacun recevait un cadeau qu’il semble ou non malade. Faire cette différence paraissait tout à fait indécent. Mais au diable l’indécence et les scrupules !!! Cette fois-ci, une liste détermine les personnes qui méritent un présent et celles qui ne le méritent pas parce qu’elles n’ont pas fait l’effort de se déplacer.

Comment ceci a été réalisé ? A notre connaissance, la mairie ne dispose pas des dossiers médicaux des administrés. Il faut donc croire qu’une réunion a eu lieu en mairie pour nommer les « grands malades » de la commune. Sinon comment établir une telle sélection ? On n’ose imaginer les discussions pour choisir les bénéficiaires :

- « Il parait que Mr … est bien fatigué actuellement » -> un cadeau
- « J’ai aperçu Mme… devant chez elle avec son chien, elle avait l’air très bien » -> pas de cadeau
- « On m’a dit que Mme … avait été opérée cet automne mais d’après sa belle-sœur, elle va beaucoup mieux » -> pas de cadeau
- « J’ai croisé Mr … à Sallanches, il m’a dit que Mme … était tombée dans sa cuisine » -> un cadeau.
- « On ne voit plus Mme … mais son voisin dit qu’elle  se débrouille très bien toute seule » -> pas de cadeau

Cette liste a été établie en utilisant la rumeur et les ragots. Cette méthode très subjective utilisée par le maire et son équipe nous scandalise.

Quels critères ont été pris en compte ? Quelles conditions fallait-il remplir pour être jugé inapte à assister à ce repas annuel ? Devoir rester couché toute la journée, être en fauteuil roulant, marcher avec des béquilles ? Un barème a-t-il  été mis en place ? Le seul fait d’y penser nous met mal à l’aise. De plus, certains problèmes de santé sont « non visibles » et peuvent, par exemple, imposer un régime alimentaire très particulier ou rendre difficile la position assise pendant plusieurs heures.

 

Aux Contamines, aujourd’hui, vous avez plus de 75 ans et vous n’aimez pas la foule : vous n’avez pas votre cadeau. Vous avez un petit coup de fatigue: vous êtes punis. Vous avez vos petits-enfants qui viennent vous voir ce jour-là : vous êtes exclus. Vous n’avez pas le droit de choisir, vous devez participer ! Certains vivent seuls 365 jours par an et n’ont plus simplement envie de se retrouver dans une assemblée. Nous même, répondons-nous toujours présents quand une soirée est organisée ? 

Il est très difficile de vieillir, de faire le deuil de ses facultés au fur et à mesure de l’avancée des années : diminution de la souplesse, baisse de la vue, difficulté à marcher. A-t-on forcément envie de s’exposer devant des gens qu’on n’a pas vus depuis longtemps lorsqu’en une année, on a perdu de l’autonomie ? A-t-on forcément envie d’exposer son déambulateur acquis le mois dernier parce que la marche est devenue difficile sans aide ? A-t-on forcément envie d‘exposer des mains qui tremblent, une fragilité de plus en plus présente ? Certains vivent mal leur vieillissement et à ceux-là, on doit le respect devant cette immense difficulté et simplement accepter leur choix…. Peut-on décemment « punir » une personne de plus de 90 ans qui n’a pas souhaité passer 4 ou 5 heures assise sur une chaise en plastique ?

Et les années suivantes, comment cela se passera-t-il ?  Faudra-t-il présenter un certificat médical pour avoir la chance de recevoir un cadeau ? Une personne qui se verra remettre un présent alors qu’elle n’en avait pas les années précédentes devra-t-elle en déduire que la rumeur court dans le village que son état de santé s’est dégradé ? Joli message pour passer les fêtes.

Enfin nous ne comprenons pas quelles ont pu être les raisons de cette décision. On n’ose quand même pas imaginer que le but est de faire des économies. Ou alors est-ce pour s’éviter de devoir faire la distribution de ces colis ? C'était l’occasion pour les élus d’aller à la rencontre de personnes qu’ils ne croisent pas le reste de l’année, discuter quelques minutes, répondre à leurs questions, entendre leurs préoccupations. Nous nous étonnons que personne, dans l’équipe municipale n’ait pu être choqué par cette façon de faire, qu’aucun conseiller n’ait été dérangé par ces choix.

 

Les valeurs fondamentales de la République s’appliquent à tous et d’autant plus à nos anciens : la liberté d’assister ou non à une réception, l’égalité entre toutes les personnes qu’elles semblent malades ou non, la fraternité pour une population fragile encore plus nécessaire au moment des fêtes de fin d’année.

Beaucoup des personnes qui n’ont pas reçu la visite du Père Noël de la commune ont dû s’interroger,  penser avoir été oubliées cette année, être attristées, non pas pour la valeur du cadeau apporté mais pour tout ce qu’il représente. Certains ont pu se sentir rejetés, exclus de la société. Tous ont dû penser, à juste raison, que les temps avaient bien changé….

A bientôt pour de nouvelles infos.

Lydie Roch-Dupland et David Mermoud

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