lundi 21 décembre 2015

Chantage

Comme nous l’annoncions dans notre précédent article, le conseil municipal des Contamines a été convoqué à une séance « extraordinaire » ce Lundi 14 Décembre avec, à l’ordre du jour, un seul sujet : «Les relations contractuelles de la commune des Contamines avec la SECMH ».  



Pour bien comprendre les enjeux de la décision prise ce soir-là, il est nécessaire de revenir quelques années en arrière. Nous connaissons tous l’histoire de la SECMH depuis la construction du téléski du Nivorin. En 1946, Placide Mollard, le père du président actuel, créa avec quelques amis, la société des remontées mécaniques  qui se développa en altitude sur les différents secteurs  (Montjoie, Roselette, Tierce, Hauteluce…) pour arriver à un domaine skiable reconnu par tous pour ses grandes qualités : son enneigement, sa capacité d’investissement et sa vision d’avenir qualitative. Cette société privée s’est s’agrandie au fil de années avec l’appui de près de 700 actionnaires, des habitants des Contamines et des résidents secondaires, conscients de tout ce que pouvait apporter cette société au village. Totalement indépendante de la commune, la SECMH entretenait avec celle-ci des relations fortes et complémentaires.



En 1985, la loi « Montagne » est votée. Suite à différents problèmes qui étaient apparus dans certaines stations où les décisions des exploitants des remontées mécaniques avaient mis en difficulté l’économie des communes, l’Etat a décidé que des conventions devaient être signées entre les communes et les sociétés responsables des domaines skiables. Ainsi une délégation de service public (DSP) a été signée entre la commune des Contamines et la SECMH en 1989 pour une durée de 30 ans. 

Ce contrat recense un ensemble d’obligations qui doivent être respectées par les 2 signataires (par exemple, la commune doit donner son accord pour la création d’une nouvelle installation, les travaux doivent être respectueux du paysage, la commune doit faciliter l’exploitation des installations, les dates d’ouverture sont décidées d’un commun accord,…). Il est aussi prévu que la SECMH reverse 5% de son chiffre d’affaire à la commune en plus du paiement de la taxe professionnelle. En 2014, ces 5% ont représenté une somme de 417 000 euros. Etant donné que l’ensemble des installations est financé par la SECMH, aucune redevance supplémentaire n’est alors exigée. Ailleurs, là où les municipalités ont financé elles-mêmes des investissements, nouveaux téléskis, création des canons à neige, ..., les sociétés qui  gèrent les domaines skiables doivent logiquement payer une redevance supplémentaire.  




En 2012, un avenant vient compléter cette convention. Le télésiège de Bûche-Croisée avait été construit par la commune en 1982, puis exploité et géré par la SECMH qui a pris à sa charge son financement. Son remplacement était devenu indispensable, mais pour cela il fallait intégrer sa gestion dans la convention générale de 1989. En plus, la commune a demandé à la SECMH de réaliser d’autres investissements devenus nécessaires pour maintenir la qualité du domaine et répondre aux attentes de la clientèle. Cela concernait donc le télésiège de Bûche-Croisée, mais aussi la modernisation des télécabines de Montjoie et du Signal programmé en 2015 et le remplacement du télésiège de Roselette en  2018. Le tout pour un montant de 18 millions d’euros.  Une étude, diligentée par la municipalité de  l’époque, est alors réalisée par un cabinet indépendant qui conclut que pour permettre à la SECMH d’amortir ces investissements, la convention doit être prolongée de 10 ans. Le rapport précise que cette société ne pourrait pas assumer d’ici 2019 les investissements programmés, la rentabilité de cette entreprise n’étant pas suffisante pour pouvoir le supporter. En plus, il est indiqué dans le rapport que la prolongation de 10 ans de la DSP ne donne pas à la SECMH une rentabilité excessive, bien au contraire. Elle devra faire des efforts financiers pour absorber ces investissements. 

Conclusion du rapport réalisé en 2012


Un avenant de la DSP est signé le 17 décembre 2012 et il est validé par le contrôle de la légalité de la Préfecture. Le contrat est prolongé jusqu’en 2029 et la SECMH va accélérer ses investissements d’ici là. 35 millions en 17 ans (18 millions déjà mentionnés + les investissements courants et de rénovation : 17 millions d’euros).




Nous arrivons à ce conseil municipal du 15 Décembre 2015. En début de séance, le maire passe la parole à sa première adjointe qui demande aux conseillers « intéressés » de sortir: c’est-à-dire ceux qui, possédant des actions de la SECMH, ont des intérêts dans la décision qui va être prise ou comme le maire qui est le gendre du précédent directeur de la société et donc le neveu du nouveau président. Il ne reste donc dans la salle du conseil que Marie- Noëlle Laverton-Bessat, Gilles Brotel, Alain Musard, Antoine Boisset, Josiane Mattel et David Mermoud. Le quorum n’étant pas nécessaire dans le cadre d’une réunion exceptionnelle du conseil municipal, ces 6 personnes vont pouvoir prendre une délibération. La première adjointe commence alors la lecture d’un texte dans lequel il est expliqué que par un arrêté du 9 Novembre 2015, le maire l’a désignée pour le suppléer pour toutes les relations avec la SECMH étant donné les liens familiaux qui l’unissent à la famille Mollard. Et ce n'est pas un scoop que de préciser que le maire a des comptes personnels à régler.



Marie-Noëlle Laverton-Bessat poursuit en indiquant qu’une étude approfondie aurait démontré que l’accord signé entre la commune et la SECMH en 1989 serait très nettement déséquilibré à l’avantage de la SECMH, un avantage renforcé par l’avenant signé en 2012. Un nouvel avenant a été proposé à la SECMH pour rééquilibrer le contrat avec notamment la mise en place d’une redevance supplémentaire. L’adjointe ajoute alors qu’aucune proposition n’est venue de la SECMH et qu’aucun accord n’a été trouvé malgré des  lettres, les échanges,…. Dans ces conditions elle demande l’autorisation du conseil pour engager une procédure devant le tribunal administratif de Grenoble pour faire annuler la prolongation de la DSP de 10 ans. En plus, lors du vote de l’avenant de 2012, des conseillers « intéressés » ne sont pas sortis. Pour cette raison, elle demande à être autorisée à engager des actions pénales et à se porter partie civile pour le compte de la commune, Elle conclut en précisant que ces actions ne seront pas engagées  si un accord satisfaisant est trouvé avec la SECMH. Cela ressemble fortement à du chantage de la part de la mairie, qui est un organisme étatique, rappelons-le.



Nous avons entendu cette version des faits et n’ayant reçu aucun document nous prouvant que cela correspondait à la réalité, nous avons rencontré Gilles Mollard, président de la SECMH afin d’obtenir des informations complémentaires. La lecture des échanges écrits entre la SECMH et la mairie vient largement discréditer les affirmations de Marie-Noëlle Laverton-Bessat. 

En avril dernier, Gilles Mollard, en tant que nouveau Président de la SECMH sollicite une réunion avec le maire afin d’évoquer les relations entre sa société, la mairie et l’EPIC et pour faire le point sur les investissements à venir. En juin, il reçoit un courrier du maire qui évoque l’importance d’un "réel partenariat" entre les 2 entités et le besoin de dépoussiérer l’avenant de 1989 dans lequel de nombreux sujets importants ne sont pas abordés (neige artificielle, sécurité des pistes, participation au coût des navettes…). Le mot redevance n’apparaît pas. 




En juillet, le président de la SECMH répond par un courrier dans lequel il fait part de sa volonté de rechercher une « coordination aussi optimale que possible » avec la commune et de sa disponibilité pour d’éventuelles réunions. Il précise que son entreprise n’a aucune réserve face aux souhaits de la mairie « pour peu que les grands équilibres économiques ne soient pas bouleversés ».

En août, pas de réponse de la mairie, ni en septembre. Il doit attendre le 15 Octobre pour recevoir un courrier, non plus du maire, mais de la première adjointe. Celle-ci demande que la SECMH s’engage sur 3 points : la mise en place de nouveaux tarifs, la participation au financement de la navette et la fourniture de forfaits gratuits à l’EPIC. Pour ces sujets, aucun chiffrage n’est indiqué. Le mot « redevance » fait son apparition mais sans aucune précision « la mise en place d’une redevance/participation de votre société selon des modalités à définir ». Enfin la commune informe qu’un cabinet va réaliser un examen approfondi « pour mieux comprendre les conditions d’exécution de la DSP ». 




Le 3 Novembre, Gilles Mollard envoie sa réponse. La SECMH est tout à fait d’accord pour avancer sur les 3 points évoqués par la mairie : des nouvelles formules tarifaires seront mises en place pour les futures saisons et comme depuis 15 ans, des forfaits seront offerts pour la promotion de la station et la participation au financement des navettes sera maintenue et pourra même être réévaluée afin de maintenir la gratuité de ce moyen de transport. Gilles Mollard confirme son accord pour ouvrir la réflexion sur un certain nombre de sujets, sans aucune réserve.

Une semaine plus tard, il reçoit un appel de la mairie le conviant à une réunion le 13 novembre. En arrivant à ce rendez-vous, l’avocat de la commune lui liste verbalement les exigences de l’équipe municipale et lui donne un délai d’une semaine pour donner son accord !!! La commune demande l’instauration d’une redevance de 3,5% du chiffre d’affaire qui viendrait s’ajouter aux 5% déjà payés, une demande de participation pour les navettes qui passe de 62 000 à 100 000 euros, la fourniture de 500 forfaits gratuits,… et l’obligation de s’engager activement dans une liaison avec l’Espace Diamant, le tout encadré par un contrôle de la mairie extrêmement draconien. Tout cela aurait un impact financier de 350 000 euros pour la SECMH sachant que le résultat d’exploitation varie selon les années entre 300 000 et 500 000 euros. On voit bien que cet avenant est totalement inacceptable pour les dirigeants de la SECMH car il mettrait l’entreprise en difficulté majeure. On aboutirait à une situation dans laquelle la SECMH devrait verser chaque année à la commune plus de 700 000 euros. Cet avenant étoufferait également toute liberté d’entreprise pour la SECMH et l’empêcherait d’investir sur le domaine.




L’avocat de la SECMH a pris contact avec la mairie le 1er Décembre et a proposé de faire réaliser l’audit qui était prévu par la commune pour avoir des éléments comptables sur lesquels pourrait s’engager une négociation. Mais pour l’équipe municipale, la redevance de 3,5% n’est pas discutable. Soit la SECMH accepte cela, soit la commune engage des procédures judiciaires pour faire annuler l’avenant de 2012.

Il apparaît clairement que la présentation faite par Marie-Noëlle Laverton-Bessat est en total décalage par rapport à la réalité des faits. Nous comprenons pourquoi aucun document ne nous a été communiqué pour cette délibération. Nous n’avons eu connaissance d’aucune lettre, d’aucun rapport prouvant un éventuel avantage financier pour la SECMH, ni même du projet d’avenant. Nous savions déjà que le maire n’hésitait pas à travestir la vérité comme pour le dossier de Notre-Dame de la Gorge de l’été dernier. Nous constatons qu’il n’est pas le seul à le faire. Comment la première adjointe peut-elle affirmer que la commune n’a pas d’autres solutions que d’engager des procédures judiciaires parce que la SECMH  n’a donné aucune réponse à ses propositions ? Tout a été fait pour avoir un prétexte afin d’amener ce dossier devant la justice. Il faut savoir que les dirigeants de la SECMH ont reçu le projet définitif de l’avenant par courrier le 16 novembre avec une réponse attendue pour le 20 novembre !!! 



Il est vrai que la DSP de 1989 aurait besoin d’être actualisée même si la loi ne l’exige pas. Certains sujets ne sont pas abordés : la neige artificielle, la question des navettes, la gestion des parkings situés à proximité des télécabines, la sécurité des pistes. Mais sur tous ces sujets, des accords ont été passés au fil des années et pour la plupart ils ont été financés par la SECMH (canons à neige, aménagement des parkings,…)  On ne peut pas affirmer comme l’a fait publiquement la première adjointe que la commune a été défavorisée pendant 25 ans au profit de la SECMH. Nulle part ailleurs où les remontées mécaniques ont été créées par des sociétés privées, une redevance n'est demandée. Ce sont plutôt les communes qui participent financièrement à l’exploitation des domaines skiables. Ainsi à Saint-Gervais, par exemple, 50% des investissements des canons à neige artificielle sont payés par la commune. 



Aujourd’hui, l’équipe municipale utilise le chantage pour faire céder la SECMH : soit elle accepte de payer 350 000 euros en plus par an, soit elle est traînée devant les tribunaux. Cela s’apparente à du racket, terme déjà entendu en réunion de la bouche même du maire alors qu’il nous expliquait sa position dans l’affaire de la Balme…. Et cette menace est complétée par celle d’une action pénale contre des élus du précédent mandat. C’est comme ça, maintenant aux Contamines, soit vous cédez, soit on vous traîne en justice. Et ça, bien sûr, financé par l’argent public. On nous répète sans cesse que des économies doivent être faites, mais pour payer des avocats, il n’y a plus aucun problème financier. Il est malheureusement à parier que les cabinets de juristes seront les seuls gagnants de ces procédures. 

La date de la signature de l’avenant incriminé dans cette affaire remonte au 17 Décembre 2012, veille de l’ouverture de la station. Les conseillers auraient dû penser à se réunir plus tôt afin d’avoir le temps de se pourvoir en réunion extraordinaire et ainsi ne pas donner à cette équipe extrêmement procédurière la possibilité d’attaquer, comme l’a confirmé la maire adjointe. La municipalité actuelle n’est pas à l’abri de pareilles erreurs et chaque semaine nous apporte des découvertes affligeantes sur la gestion de notre commune par cette équipe qui se prépare à emmener devant les tribunaux la SECMH et les anciens responsables municipaux. Il faut être bien sûr de soi et absolument irréprochable dans sa politique pour se permettre de telles attaques. De plus, la mise en application d’une procédure judiciaire est lourde de conséquences. Ce genre de procès s’éternise durant des années, génère des tensions, c'est beaucoup d’énergie perdue et d’argent gaspillé.



Cette délibération votée par seulement 5 conseillers va avoir de graves répercussions pour l’avenir de notre village. Si la SECMH cède devant la commune et accepte de verser 8.5% de son chiffre d’affaire, elle va se retrouver rapidement face à de grandes difficultés. Les premières actions d’une société acculée financièrement seront de limiter sa masse salariale, de réduire les investissements et de reporter le renouvellement du matériel. 

Notre volonté n’est pas de défendre les intérêts de la SECMH face à ceux de la commune. Nous savons que notre station a besoin d’un exploitant du domaine skiable économiquement fort, qui puisse investir, améliorer la qualité des installations et des pistes. La SECMH est le moteur des Contamines, sa plus belle vitrine et le premier pourvoyeur d’emplois. L’intérêt de la commune, de ses habitants et de tous les socio professionnels est d’avoir à leur côté une société qui obtient de bons résultats financiers plutôt qu’une entreprise qui vivote, qui doit restreindre son personnel, qui peine à entretenir ses installations,… 



Dans ce contexte, on est en droit de se demander quel intérêt est défendu par l’équipe municipale ? Est-ce vraiment l’intérêt général ?


A bientôt pour de nouvelles infos.

Lydie Roch-Dupland et David Mermoud

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